En préambule à cette fiche, une citation que j’aime beaucoup : « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle ». P.Coelho Alors bien sûr, la routine dans l’entraînement n’occasionne heureusement pas une fin si funeste, mais par contre, s’enfermer dans la monotonie, répéter toujours les mêmes séances, reproduire les mêmes plans d’entraînement nuit à votre progression et risque de vous pousser vers les pentes dangereuses du surentraînement.

Pour rappel, 3 grands principes régissent les théories de l’entraînement : la progressivité, la spécificité et notre sujet du jour : la variabilité. Nous avons déjà évoqué certains bienfaits de l’entraînement croisé dans une précédente fiche et ce type d’entraînement entre tout à fait dans ce domaine mais aujourd’hui nous restons sur les séances de courses à pied proprement dites.

Alors pourquoi et comment varier vos entraînements ? Nous allons apporter des éléments de réponses à ces questions selon 3 axes :

1 - Cycles et pic de forme

L’objectif de l’entraînement est de déséquilibrer l’organisme pour qu’il s’adapte et se réorganise à un niveau supérieur à son niveau initial. Ce principe s’applique quelles que soient les qualités que l’on cherche à développer (force, vitesse, endurance…).

A partir de cette base découlent plusieurs contraintes pour l’organisation des séances :

  • Si on applique à l’organisme et à tous ses systèmes cardio-vasculaires, respiratoires mais aussi métaboliques, ostéoarticulaires, musculaires… toujours les mêmes charges, il s’habitue, il n’est pas déstabilisé en profondeur, il ne se réadapte donc il ne progresse pas. Que vous soyez coureur débutant ou confirmé, c’est le même principe : une fois qu’un pallier est atteint, il faut augmenter les charges d’entraînement (en volume et en intensité) pour atteindre le pallier supérieur.
    Un footing 2-3 fois par semaine à la même allure tranquille, c’est bien pour un début. Mais une fois que vous avez atteint une certaine facilité, que vous êtes capable de courir sans vous arrêter 1h-1h30, il va falloir passer à autre chose et introduire des séances intensives par exemple si vous souhaitez progresser.
    De même pour un coureur plus confirmé, toujours reproduire la même série, la même semaine type d’entraînement, le même plan d’entraînement va vous assurer une certaine continuité dans vos performances, mais pas de progrès notoires.
  • Par contre, il faut aussi laisser du temps à l’organisme pour se stabiliser. Pas assez de nouvelles charges nuisent à la progression mais trop de charges mal adaptées au niveau quantitatif, qualitatif et temporel peuvent fortement tuer cette progression ! Donc, tout va être question de dosage et de variation. On parle de dynamique des charges ondulatoire. C’est à dire qu’intensité et volume (les paramètres de la charge) ne peuvent augmenter parallèlement que jusqu’à une certaine limite. Il sera nécessaire de jouer sur ces deux paramètres, en les augmentant ou en les diminuant selon les périodes. Il sera également primordial de respecter des alternances charge/allègement. La récupération tient une véritable place dans la planification. Elle doit être finement programmée. Il est nécessaire de laisser du temps à l’organisme pour se réadapter sinon, on court droit vers le syndrome de surentraînement.
  • Et vous vous doutez bien que l’amélioration des performances ne se fait pas en 15 jours ! On parle plutôt en mois pour certaines qualités… Alors, prenez un calendrier, entourez de rouge un ou deux (maximum 3) objectifs principaux de votre saison et organisez un rétro planning de vos entraînements pour que votre pic de forme et votre course phare coïncident ! Programmez une montée en charge progressive (en volume et en intensité) et cyclique (n’oubliez pas les phases allégées) vers votre objectif de la saison.

2 - Variabilité des intensités de travail : de l’endurance de base à la Vitesse Maximale Aérobie

2-1 : 3 zones


Pour développer l’aptitude aérobie, on peut jouer sur plusieurs leviers : augmenter le volume de l’entraînement et mettre de l’intensité dans ses séances. Grosso modo et pour simplifier, on distingue 3 niveaux d’intensité à utiliser et à varier harmonieusement pour progresser en course à pied d’endurance :

  • Zone 1 : c’est l’endurance de base, fondamentale, c’est l’intensité à laquelle vous pouvez courir encore et encore ! C’est l’allure des footings, des sorties plus ou moins longues. A l’arrivée, la perception de votre effort (RPE) est située à moins de 5 sur une échelle de 10.
  • Zone 2 : on est sur de l’endurance aérobie intensive, c’est une zone qui oscille entre un seuil haut (autour de l’allure du 10 km) et un seuil bas (autour de l’allure du marathon). C’est la zone des séances « aux seuils », les allures sont appliquées soit sur des intervalles longs type 3x10’, 10’-15’-10’, 2x20’… ou soit en continu jusqu’à 1h-1h15 d’effort intensif. La « cotation RPE » est autour de 6-7 voire 8. 
  • Zone 3 : on entre dans la zone d’entraînement de votre VMA, les allures oscillent également entre une valeur haute, submaximale, autour de 110-115 % de votre VMA et une valeur basse sous maximale, autour de 85 % de votre VMA. Les intervalles de temps vont varier bien sûr en fonction de ces intensités, plus l’effort est bref, plus il sera intense, de 10-15’’ à 10’ maximum. La « cotation RPE » est supérieure à 7. 

2-2 : Quel type d’effort privilégier ?

Evidemment la réponse à cette question reste ouverte ! Si les chercheurs et les entraîneurs avaient trouvé LA méthode infaillible ce serait trop facile !

  • Un point qui fait consensus : la nécessité d’introduire des séances à intensité élevée voire maximale pour améliorer les performances en endurance et ce quel que soit votre âge. Donc un premier principe à retenir : dans votre semaine d’entraînement, variez les intensités, et entre vos séances type « footing » glissez du fractionné à haute intensité, même pour les plus masters d’entre nous !
  • Par contre, sur le comment distribuer les intensités Z1-Z2-Z3 sur l’ensemble de la semaine, là, l’unanimité est moins probante. Cependant une tendance actuelle se dégage : c’est l’entraînement « polarisé », c’est à dire, l’entraînement aux « pôles », du Z1, du lent, du long en grande majorité d’un côté et du Z3, du court et de l’intensif à petites doses de l’autre côté. Et assez peu, voire très peu de Z2 (qui peut être réalisé lors de compétitions préparatoires par exemple).
  • Pour résumer : il est plutôt préconisé de réaliser 80-90 % de son volume d’entraînement en zone 1, le reste en zone 2 et 3. Ce « reste », même s’il vous semble restreint est fondamental. Offrez, si possible, à vos séances intensives une place de choix dans votre emploi du temps : pas à jeun, pas entre 2 réunions, pas le soir à 22h… Privilégiez la qualité (et une réelle intensité) à la quantité.

3 - Variabilité au sein même de chaque zone de travail

Nous détaillons plus particulièrement les zones 1 et 3 qui nous semblent les plus importantes à privilégier lors de vos entraînements.

3-1 : La Z1

On vient de voir que la majorité de l’entraînement pouvaient être réalisé à faible intensité. Certes, mais cela ne veut pas dire du tout que toutes les sorties longues et les footings se répètent à l’identique. Bien au contraire. La diversité est une condition importante de l’adaptabilité au niveau physique. D’une part, les sorties vont s’allonger et être de plus en plus spécifiques au fil de la préparation (en relation bien sûr, avec l’objectif préparé). Et d’autre part, vous avez tout intérêt à varier vos parcours « de base » : cela va vous permettre également de mieux supporter la charge psychologique liée à l’entraînement. Répéter encore et encore la même séance sur le même parcours entraîne une grande lassitude physique et mentale et nuit au rendement de l’entraînement.  

Nous reviendrons ultérieurement sur la spécificité des fameux « WE  chocs », mais ce genre de sorties « ultra longues » est un outil précieux dans la progression du traileur et de l’ultra traileur.

3-2 : La Z3 : il n’y a pas que le 30-30 dans la vie !

Le « traditionnel » 30-30 n’est qu’une séance type parmi tant d’autres ! Effectivement, c’est un exercice assez facile de mise en place, de réalisation et d’implication. Cela peut-être une bonne entrée en matière pour commencer à s’approprier le fractionné, à connaître les allures intensives, les phases de récupération. Et si c’est votre chouchou, n’hésitez pas à le décliner : sur piste, sur route, sur sentier, en côte, dans les escaliers… On peut augmenter le nombre de répétitions et de séries presque à l’envi !
Mais n’oubliez pas d’explorer toute la palette des possibles pour travailler à haute intensité : jouez sur les distances, les durées, les récupérations (durée - modalité), le nombre de répétitions, de séries, les parcours… De 10’’ à 10’, vous avez vraiment le choix pour fractionner vos efforts.
Evidemment le volume global de la séance intensive va dépendre de votre niveau et de la place de la séance dans la planification, mais pour donner une estimation en temps cumulé, cela peut monter jusqu’à 30’ (par exemple 3 séries de 10x(30’’-30’) et en distance autour de 6000 m maximum (200 m / 400 m / 600 m / 400 m / 200 m)x3.
La piste rebute certains traileurs, mais elle permet vraiment d’aller plus vite, de travailler plus précisément et avec plus d’intensité.
Les séances en sentiers vallonnés, en côtes, en terrain technique quant à elles sont parfaites pour la spécificité. Alors une fois de plus, variez !!

Cherchez vraiment à varier vos entraînements pour provoquer les désadaptations nécessaires à la progression, pour réduire la lassitude physique et mentale et vous prévenir du surentraînement.

Par contre, il peut être intéressant d’avoir une séance test ou un parcours habituel qui revient régulièrement dans votre programmation et qui vous sert de « mètre étalon ». En notant les données (temps, vitesse, RPE, fréquence cardiaque à l’effort, en récupération…), vous pourrez ainsi comparer et évaluer votre état de forme du moment.

Article par Maria SEMERJIAN Professeure agrégée EPS  et Ultra traileuse élite