La récupération
Pourquoi commencer par ce thème, à priori non productiviste : la récup' ? D’abord parce que c’est la période un peu floue de l’intersaison… les grandes classiques sont derrière nous, la neige et la boue ont envahi les chemins, les résultats des tirages au sort ne sont pas encore annoncés, le calendrier de la future saison est encore en friche… et puis parce que la récupération en fait, c’est une des clés de la performance !
1 - La récupération fait partie intégrante de l’entraînement
Que vous vous penchiez sur une vue d’ensemble de votre saison ou sur le programme de la semaine à venir, les périodes de récupération doivent avoir leur place.
Pour progresser et atteindre un niveau supérieur, il est nécessaire de soumettre l’organisme à des charges importantes, adaptées à chacun suivant son niveau, ses progrès et la phase de travail. Cette surcharge entraîne des progrès et l’atteinte d’un niveau supérieur au niveau initial mais uniquement si l’organisme a eu la possibilité de digérer la fatigue induite par les charges d’entraînement : c’est le principe de la surcompensation ou loi de Weigert. On fonctionne par phase, par cycle :
- travail, charges importantes
- période de désadaptation induite par la fatigue de l’entraînement
- hase de régénération
- pic de forme, phase de surcompensation, niveau supérieur au niveau initial.
On comprend bien que s’entraîner à bloc sans faire de pause, sans laisser le temps à l’ensemble de l’organisme de s’adapter et de se restabiliser par pallier, conduit à une impasse. On va droit dans le mur.
2 - Trouver les bonnes doses
A l’échelle de votre semaine ou de votre cycle de travail, il faut trouver le bon dosage entre charges et allégement, entre temps forts et temps faibles. Il faut savoir bien se connaître et savoir faire la part des choses entre un coup de flemme et une lassitude réelle. Comme le niveau des charges de travail, le placement et la durée des phases de récupération sont des paramètres très individuels qui dépendent du niveau, de l’expérience de chacun, de la période en cours… C’est un dosage assez fin à trouver car le mécanisme de surcompensation est très réversible : si la récupération est trop longue entre les sollicitations, on repart au même niveau, on n’a pas le phénomène d’adaptation tant espéré mais si récupération est trop courte on tend au contraire au surmenage voire au surentraînement.
2-1 - Quand placer les phases de récupération à l’échelle de la semaine ?
Mais en fait tout de dépend des paramètres précédemment évoqués : votre niveau, vos habitudes, la place de la semaine dans le cycle de préparation, les effets recherchés…
Si vous débutez, c’est peut-être intéressant d’espacer les entraînements, de laisser un jour off sans course à pied, pour y aller progressivement, pour laisser le temps à vos systèmes musculaires et ostéoarticulaires d’encaisser les chocs !
Dans le même esprit, au début, c’est bien d’être « frais » avant une séance d’intensité (VMA ou seuil), d’arriver reposé avant ce type de séance exigeante.
Mais ensuite, il faudra apprendre aussi à s’entraîner sur la fatigue surtout si vous souhaitez augmenter les distances que se soit sur route ou en trail. Enchaîner 2, 3, 4 séances, sur le rythme d’une par jour voire en biquotidien, c’est fatiguant certes mais si les charges d’entraînement sont adaptées, le travail va être bénéfique et les adaptations très probantes.
Par contre, on veillera tout de même à glisser des séances de basse intensité entre les séances à haute intensité.
2-2 - Quand placer les phases de récupération à l’échelle du cycle de travail ?
Intensité et volume vont augmenter progressivement, jusqu’à un maximum, lors de votre cycle de préparation puis les charges redescendront (normalement bien moins progressivement) jusqu’à votre objectif. A l’intérieur de cette grande « vague » de 3 ou 4 mois environ, c’est intéressant de placer des « vagues » plus petites de l’ordre de 3-4 semaines. Certains entraîneurs préconisent 3 semaines de travail, de charge et une 4e semaine un peu plus allégée. Dans tous les cas, pensez toujours cycle et ondulation !
La compétition dite « préparatoire » peut-être un bon exercice dans la longue route vers votre objectif en termes d’impact physiologique, mental et aussi de grande répétition matérielle, nutritionnelle, organisationnelle… Mais, n’oubliez pas, ce n’est « qu’une » étape : il faudra donc accepter d’arriver un peu fatigué sur cette course, et de reprendre le cours de votre préparation assez rapidement derrière (un jour off, un jour de vélo et c’est reparti !). Si vous prenez plus de temps allégé avant et après, la compétition risque de perdre toutes ses qualités formatrices.
3 - Entre les objectifs
Nous fonctionnons par cycle, à un pic de forme succède une phase de désadaptation… il faut du temps pour atteindre le sommet de ce pic ! Impossible de le gravir tous les 15 jours ! donc ne soyez pas trop gourmand et fixez-vous 2 ou 3 gros objectifs dans la saison, surtout si vous préférez les longues distances !
La préparation et la course en elle-même, et cela va être d’autant plus vrai que l’on augmente les distances et les dénivelés, laissent des traces. Il faut s’accorder une phase de régénération générale après son objectif… Pansez vos plaies au corps et à l’âme, il faut laisser le temps de cicatriser… et ne rien faire physiquement, c’est peut-être pas si mal ! surtout après un ultra…
Oubliez la fumeuse sortie de décrassage et les étirements !
- Le temps de la douche et votre taux de lactates sanguins est revenu à la normale !
- Vous ressentirez les effets des courbatures dans tous les cas le lendemain : il n’y a véritablement que l’entraînement en amont qui peut avoir un effet protecteur sur les fibres musculaires et qui peut vous aider à limiter le phénomène de courbatures !
- Vos fibres musculaires ont été malmenées par l’effort et surtout par les contractions excentriques développées en descente donc pas la peine d’aggraver leur cas en les étirant à nouveau…
- Vous venez de faire subir à vos articulations et à l’ensemble de votre organisme, des milliers d’impacts et de vibrations, vous croyez qu’ils n’ont pas eu leur dose ? laissez-les se régénérer sur votre canapé ou éventuellement allez vous détendre en piscine !
Et puis quand l’envie vous démangera à nouveau, vous rechausserez tranquillement vos baskets (perso, après un ultra, j’attends une dizaine de jours) pour repartir vers une prochaine aventure !
3 - Entre les saisons
Même si le calendrier des trails s’étoffe de plus en plus, la période décembre/janvier (en métropole) reste un peu moins dense. Le mauvais plan, c’est de se laisser vivre, d’engraisser tranquillement sur le canapé et d’attendre les beaux jours en se disant que ça la forme reviendra ! Grosse erreur ! Là, ce n’est plus de la récupération, c’est du désentraînement… et il vous faudra repartir de zéro au printemps si vous hibernez cet hiver ! Dommage…
En revanche, c’est peut-être le bon moment pour varier les plaisirs, travailler le fond, la force, la vitesse et éviter de prendre 15 kg aussi !
Plus on approche de son objectif, plus la préparation doit être spécifique, mais justement là, dans ces mois d’hiver, c’est le bon timing pour changer ses routines d’entraînement, retrouver de la variété et construire des bases solides pour la saison à venir :
- travailler sa vitesse et programmer un bon cycle de VMA (perso, je ne mets pas les pieds sur un terrain de cross mais pourquoi pas !!)
- développer en salle de muscu sa force et sa puissance musculaire, les exercices d’haltérophilie sont d’excellent moyens pour se forger des cuisses et des fessiers capables d’avaler toutes les pentes de l’été !
- conserver un fond aérobie de qualité en chaussant ses skis de fond ou de rando pour changer de la sortie longue à pied (le vélo, le rouler, les raquettes… et tous les sports d’endurance feront aussi très bien l’affaire !).
4 - Hygiène de vie
On ne peut enchaîner les charges d’entraînement sur une longue durée que si l’hygiène de vie générale suit : une soirée en boîte, un bon resto, de bonnes bouteilles… évidemment rien n’est exclu mais là aussi tout est question de dosage et de programmation évidemment !
Au quotidien, la récupération passe inévitablement par le contenu de votre assiette : si vous négligez la qualité et la quantité de vos apports nutritionnels, vous allez vers de lourdes déconvenues. Sans la récupération de vos stocks d’aliments protecteurs, réparateurs et énergétiques, vous allez rapidement tourner dans le vide.
On a l’habitude de dire « no pain, no gain »… et je suis bien d’accord avec cet adage mais l’augmentation des gains passe nécessairement par le dosage des « pains » et donc par la prise en compte des phases de récupération tout au long du processus d’entraînement.
Maria SEMERJIAN Professeure agrégée de sport et Ultra traileuse élite